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OUVRIR LE CINEMA : SEANCE 5


 

Nous avons commencé par visionner un extrait de l'abécédaire de Gilles Deleuze : Q comme question

ENREGISTREMENT DE LA SEANCE

Annick
Qui commence ? …
Je fais une petite parenthèse : aujourd'hui il ne s'agit pas de faire le bilan de cette année. Pour une question d'organisation.

Françoise G.
La dernière fois, j'ai le sentiment de ne pas avoir bien expliqué ce que je voulais dire. J'avais dit : les textes, j'arrive pas à les lire, il y en a trop ou bien c'est trop difficile de les lire, seule aussi, parfois. C'était résumé comme ça. Alors que moi ce que je pensais plutôt, c'est que, comme tu disais, les textes et les films que l'on voyait, c'était — à égalité. Et je trouvais que par rapport à ces textes, ça aurait été bien de les travailler ensemble, ici aussi, comme les films où on travaille après, on essaie de poser des questions des interrogations plutôt (sourires).

J'ai repris le texte sur le projet Jack Lang, que tu as donné au début, avec l'intervention de Bergala et de l'autre femme. Ce sont deux optiques différentes et je trouve que c'était intéressant sur comment aborder le cinéma dans l'Education nationale. Et puis, il y avait Godard répondant après le film de Miéville aux questions des étudiants. Et ce qu'il dit. Tout ça, c'est tellement riche … Et je me disais que nous par rapport à ça, je me disais qu'il faudrait peut-être un moment de discussion, qu'on y réfléchisse.

Annick
Là on est “hors sujet” par rapport au thème que j'ai proposé pour aujourd'hui. On est déjà dans le bilan. C'est pas une question. Visiblement, je ne me suis pas bien expliquée. Il y a une grande différence entre certains textes que je vous ai donné comme ceux de Legendre, Benjamin, etc. qui sont des textes à travailler, et certains autres comme celui des Cahiers du cinéma.
Il y aurait des tas de choses à dire sur ce que pense Alain Bergala, ce que pense cette femme l'objet d'Ouvrir le cinéma, il n'est pas là. Il est beaucoup plus “théorique” que ça : on a tiré des fils sur le rapport à la connaissance, et il faut qu'on les travaille. C'est à partir de ça qu'on va, petit à petit, définir la position que j'essaie par rapport à l'anthropologie, etc. et qu'on pourra, à la dernière séance, la comparer avec ce que dit Bergala et ce que dit cette femme. Mais ici, justement, on n'est pas dans une discussion : Le projet n'est pas du tout là.
Françoise G.
Pour conclure, c'est pas pour avoir leur pensée à eux deux, on s'en fout un peu, mais que c'est une base pour se questionner nous. Je songe aussi : est-ce qu'on en aura fini la fois prochaine ? définitivement ? On n'a pas parlé de ça, ou bien est-ce que cet atelier reprendra sous une autre forme, en se prolongeant par d'autres travaux Dans ce questionnement-là, je me dis que sur “Cinéma et Enseignement”, sur le rapport à l'image, aux enfants, ce qu'on en pense, au fil de toutes ces interrogations qu'on a eues ici et comment on l'envisage …

— arrivée Maryvonne —

Ça m'a relancée sur ce questionnement-là qui est de fond, ici, quand on parle de cinéma et de nous-même. Toute la démarche qu'on a …

Annick
C'est très compliqué parce que les choses sont toujours emmêlées.
Dans ce groupe, c'est pas vraiment “cinéma et enseignement” — c'est plutôt “cinéma et connaissance” —. Quand on prend “cinéma et enseignement” je me suis rendue compte qu'il y a très vite des traquenards, que l'on n'arrive plus à s'en sortir. C'est un travail, d'une certaine façon, à la fois concret et théorique : on part de choses concrètes, des textes ou des images, et on se pose la question du cinéma par rapport à la connaissance. On a tiré certains fils : on aurait pu en tirer d'autres. Il ne faut pas vouloir en tirer 15. Si déjà on arrive cette année à en tirer un ou deux, que l'on pose certains jalons et que chacune d'entre vous, dans son vécu personnel, associatif ou institutionnel, peut en faire quelque chose C'est ce que je voulais dire en parlant de la part “intime” : c'est le cheminement qui compte, et le but, vous concerne, vous, intimement, personnellement.

J'insiste, au risque de paraître trop rigoureuse et autoritaire : on est là pour tirer des fils, vraiment des fils de pensée et pas seulement des problèmes — je ne voudrais pas que ce soit interprété d'une mauvaise façon — “sociologiques”. C'est vraiment un groupe de travail, avec des problèmes de pensée. On a regardé Deleuze par rapport à la question, puisque j'avais le sentiment que je n'avais pas tellement été claire par le fait de dire : “on pose des questions”. Je ne cherche pas à ouvrir un débat, on n'échange pas des opinions. Je trouvais que c'était peut-être le moment, presque à la fin, d'écouter Deleuze s'exprimant sur la différence qu'il fait entre question et interrogation.

Effectivement, je sens qu'il y a un énorme besoin chez vous de clarifier votre situation, telle qu'elle est. Or le sujet d'Ouvrir le cinéma, il n'est pas là : c'est ce que j'appelais “sociologique”.

Françoise G.
Annick, tu comprends pas ce que je veux dire. Je ne veux pas du tout quelque chose de directement … C'est plus une réflexion Ouvrir le cinéma pour les enfants, je ne sais pas comment dire …

Annick
C'est pas le sujet du …

Françoise G.
Réfléchir. Parce que ça arrive par la marge de plein de façons …

Annick
Françoise, ici, on tire deux ou trois fils et c'est tout. Effectivement, il y a 50 fils à tirer et c'est à vous de les tirer ailleurs. On ne peut pas sinon, c'est bordélique J'ai tellement assisté à des choses où on dit tout et rien, il faut absolument … on a tiré des fils, par exemple, sur l'identification. On a commencé à tirer un fil sur la question de l'intérêt, un troisième sur le rapport entre la pensée du film et la pensée du spectateur. Voilà les trois fils tirés, et malheureusement, il y a des choses dont on ne peut pas parler.
A chaque fois, par exemple, les textes que Maryvonne nous a communiqués la dernière fois, je les ai relus en fonction de ces fils-là. J'aurais pu les lire de cinquante six façons, mais je les ai relus — c'était des textes que je connaissais — en fonction de ce qu'on a déjà travaillé. Ce qui m'a frappé, c'est quand Deleuze dit que tout créateur a besoin, quand il crée, c'est qu'il a besoin. Comme on avait déjà tiré ce fil de l'intérêt ce qui m'a intéressé — cette fois-ci, dans cette lecture-là — pas dans une lecture d'il y a deux ans — c'était par rapport à tout ce qu'on avait dit de l'intérêt. Ça me fait venir une idée : on est tous “créateur”, à un moment donné. Il faut avoir besoin de quelque chose même par exemple, votre présence ici vous savez peut-être — je dis vous, mais ça pourrait être ceux qui ne sont pas là — ceux qui ont eu envie de venir ici, il y a une différence entre envie de faire quelque chose et en avoir besoin immédiatement.

Parmi vous toutes, il y a des envies différentes — ce sont vos envies intimes, vous n'avez pas forcément à les exprimer — mais il y en a une qui a pratiquement, concrètement, un intérêt, c'est Valérie. Valérie a demandé un PEA, et elle se sent un peu sur du coton parce qu'elle va avoir un intervenant dans sa classe, qu'elle est une jeune instit … Elle a un réel besoin — et c'est peut-être du fait de ce besoin lié à une situation concrète, qu'elle a peut-être plus accepté certaines choses ou qu'elle a joué le jeu plus facilement que d'autres pour certains aspects de notre travail.
Je comprends tout à fait ce que tu dis, mais je suis désolée, le texte des Cahiers du cinéma, je ne veux pas le discuter ici, sauf si, quand on boira le champagne, à la dernière séance, quand on se mettra à discuter effectivement de ce qui était en jeu ici — ce sera tout de même sérieux — par rapport à toute une doxa.
Pour l'instant, il y a un travail plus sérieux à faire, parce qu'il ne se fait pas …

Françoise G.
Comme j'ai dit des choses qui étaient un peu brut de décoffrage, pas forcément adaptées au moment, tu penses que …

Annick
Peut-être que les autres peuvent nous aider à …

Françoise G.
Tu n'as pas bien compris pour moi, ça va en droit fil …

Françoise L.
Moi, je suis carrée, j'ai mon truc, je veux pas en sortir, je suis dans mon chemin et j'ai peur de paumer … Françoise me tire des choses … je veux restée concentrée, j'ai peur de …

Françoise G.
Ce que je pense, ce que je sens … C'est vrai que chacun suit ce travail à sa manière et qu'il y a des chemins inattendus, mais c'est super. Ça cahote complètement et puis je reprends un truc, ça me fait penser à autre chose …

Annick
C'est fait pour ça …

Françoise G.
C'est très bien. Mais ce que je pense c'est qu'on n'a plus qu'une fois et je me dis que moi j'aimerais bien que ce travail se prolonge et, entre autre, j'ai cette interrogation-là, où je me dis : j'aimerais penser aussi pour moi, c'est dans le droit fil de ce qu'on fait là
. Et puis j'ai lu ce texte. C'est vrai qu'il m'a fait réagir …

Annick
Quel texte ?

Françoise L.
Ce texte sur l'Enseignement. J'ai l'impression que c'est des jugements que j'ai entendus dix fois et qui ne font pas avancer du tout.

Annick
C'est pour ça que je ne veux pas en discuter ici. C'est un texte de media, c'est pas un texte de travail.

Françoise G.
Il y avait d'autres choses à dire, et ça me semblait important …

Annick
Mais je ne veux pas en parler maintenant. C'est une question d'organisation.
Pour ce projet je demandais des gens disponibles sur un an. J'ai opté pour six réunions pour que ça ne soit pas trop, trop demander, justement. Ce sont donc des personnes différentes tous les ans. Je demandais des gens qui soient, qui arrivent à s'impliquer, — et à renoncer de s'impliquer ailleurs, éventuellement, c'était un choix, — sur une année, et je sais très bien que ce que je demandais était lourd et qu'on ne peut pas s'engager comme ça tout le temps. Je me rends compte qu'il peut y avoir un désir de prolonger autrement les choses, — mais pas dans ce groupe de travail.

Je me demande … il y a la question subsidiaire … j'en ai un peu parlé tout à l'heure: théoriquement, je voudrais des étudiants. Je suis en contact avec certains chercheurs pour ça, pour qu'on ne parte pas trop facilement dans 'cinéma et enseignement' mais 'cinéma et connaissance'. Sauf que, et ce qui m'y a fait pensé, c'est la fin de la dernière réunion, où il était évident que vous avez un besoin, là, c'est un besoin, — envie et besoin — de parler d'autres choses, que du cinéma, qu'il y a, sans arriver sur des choses très personnelles, il y a un besoin effectivement de parler cinéma et votre pratique d'enseignement. Or, l'objet ici, c'est cinéma et connaissance …
Je me demande, s'il n'y a pas à créer un autre groupe.. Je sens bien qu'il y a un besoin d'autre chose que je n'arrive pas bien encore à formuler et qui pourrait se faire dans la prolongation de ce premier groupe.

Maryvonne [à Françoise L.]
Qu'est-ce que tu voulais dire Françoise quand tu disais que tu étais dans ton truc ?

Françoise L.
Je suis … Je n'ai pas été une bonne élève dans mon jeune âge mais devenue grande je le deviens. Annick avait dit : “On a dix minutes chacune la parole”, je prends ma montre et je prends dix minutes.

Annick
Ça n'empêche pas que tu pourrais communiquer avec une autre intervention …

Françoise G.
J'ai du mal …

MaryvonneFrançoise G.)
Et toi, c'était dans l'ordre de tes dix minutes que tu parlais ?

Françoise G.
Pas du tout!

Annicket Françoise L.
Ah si j'ai cru …

Maryvonne
Je suis arrivée et je suis sûre que non …

Annick
J'ai posé la question : “Qui commence à intervenir ?”

Françoise L.
Voilà!

Annick
Et c'est vrai que j'ai dit : on est hors-sujet. Théoriquement, tout ça, c'est une discussion pour la prochaine fois.

Maryvonne
Tu l'as dit avant que j'arrive ou depuis que je suis là ?

Françoise G.
On peut parler un petit peu quand même …

Annick
Bien sûr et c'est pour ça que je t'ai laissé parler …

Françoise G.
Entre autre de savoir le devenir pour l'an prochain, ce qui va se passer, on l'a jamais vraiment dit …

Annick
Non, mais ça, j'aurais voulu en parler, à la fin, à la dernière séance …

Françoise L.
C'est ce que j'ai compris …

Françoise G.
Je suis désolée, je suis toujours à contre-temps …

Françoise L.
C'est vrai que le temps c'est vachement important …

Annick
Reconnais Françoise que je t'ai laissé parlé pour te dire après que c'était “hors sujet.” Tu en avais besoin. C'est pour ça que j'ai répondu quand même à ta question pour l'année prochaine …

Maryvonne
Pour moi qui suis arrivée en retard, j'ai entendu 30 secondes Françoise et toi [Annick], je t'ai entendue 1/4 d'heure. Et ton 1/4 d'heure, je l'ai un peu là [M. met la main en travers de la gorge].

Annick
Vous voyez, je n'ai pas de feuilles, je n'ai rien préparé. J'étais prête à vous écouter, mais j'ai dû remettre les choses au point. Je suis désolée. Alors, je vous écoute …

Françoise L.
C'est compliqué : ou on joue le jeu, enfin …

Annick
C'était dix minutes par personne sur …

Françoise L.
Voilà, j'ai retenu ça.

Françoise G.
Moi, c'était un préambule. On est là, on n'est pas quand même …

Françoise G.
Je lis ce que j'ai écrit ?

Annick
Oui.

Françoise L.
Ah, bah, voilà! …

Françoise G.
A l'issue de la vision du film de Van der Keuken Vacances prolongées l'autre soir sur Arte, j'ai pensé à l'atelier cinéma et aux films, vus dans les deux dernières séances, de Mekas, Godard et Che ci importa della luna, ainsi qu'au film d'Annick. Une association dans un sentiment de parenté, de regroupement. Comme si le film de Van der Keuken avait servi de catalyseur et j'ai repris le texte de Walter Benjamin que j'avais lu avant mais sans trop bien …
“La place qu'occupent les productions intellectuelles dans le patrimoine historique n'est pas toujours déterminée uniquement, ni même toujours principalement, par leur réception immédiate. Au contraire, leur réception est bien souvent indirecte et s'effectue par l'intermédiaire de productions d'autres auteurs — précurseurs, contemporains, successeurs —, qu'une affinité élective lie à leur créateur.”
Je me suis rendue compte que pour faire le lien avec les autres films, ce film de Van der Keuken m'avait beaucoup parlé. L'entrée dans le film est facilitée par son propos donné d'emblée : la maladie et son issue annoncée. Le regard sur le monde, encore. Filmer, pour Van der Keuken, c'est être vivant jusqu'au bout. Avec dans ce moment de sa vie, l'obligation de penser sa mort, la mort — elle a donné aussi à voir dans ce dernier voyage. La question vitale de la mort et de la disparition, de l'oubli et du souvenir de la trace laissée. Par soi, en tant que cinéaste, et ces gens filmés, ces lieux qui échappent à l'oubli et entrent dans une mémoire collective. Pour moi, ça s'associait avec des passages du film de Mekas, sur le cirque, entre autre, ces images tremblées, chahutées, entremêlées, qui rendent compte de moments de spectacles du cirque dans sa précarité temporelle et spatiale et ce ramassé de vies, de couleurs, de mouvements. Travail de mémoire et de trace, qu'est le journal intime par excellence, traité par Mekas d'une manière qui peut paraître des plus elliptique et où s'inscrit cependant une sorte de mémoire collective où chacun peut puiser. J'ai pensé au commentaire de Françoise L. à qui ça avait parlé, et puis à une mémoire collective ou une mémoire plus individuelle comme ces visions de cirque.
Je termine par une phrase de Van der Keuken qui clôt un documentaire fait sur lui, il y a plusieurs années. J'ai lu ça dans Télérama :“Et le vide demeure”. Dans cette phrase je verrais le désir encore et toujours de faire du cinéma et un lien de parenté entre tous ces films.

Annick
C'est l'idée qu'un film vu ultérieurement te fait recevoir les autres différemment que la première fois ?

Françoise G.
Que ça organisait pour moi différemment la vision des 3 autres films, alors que les propos sont complètement différents. Pour moi ce — le rapport à la mémoire c'est une évidence, mais en même temps, ça me semble plus à creuser que ça, quant à comment chacun traite ça et de l'urgence à donner …

Annick
… sauf que la mémoire, quand on prend les films qu'on a vus, ils la travaillent d'une façon quand même assez pertinente, donc ça n'est pas si bateau que ça si on essaie à partir de ce que tu relèves — la question de la mémoire — si on prend, effectivement, Mekas, c'est au niveau de la sensation, qu'est-ce qu'on a, qu'est-ce qui nous reste dans notre mémoire — dans les souvenirs, ce serait plutôt le souvenir. Si on repense à une image de cirque, une sensation intérieure, et ce que, visuellement, en fait Mekas.
Si on prend Che ci importa della luna, il y a la question de la mémoire sociale : l'invention du cinéma, l'alunissage …

Françoise G.
C'est une mémoire collective et individuelle mêlées. Remettre tout ça sous le signe de la mémoire et de la trace. Il y avait pour moi une urgence … les formes étaient excessivement importantes. Elles exerçaient une liberté de la pensée sous différentes formes justement, mais, à la limite, c'était pas … que la forme n'était pas des plus essentielles. Cela pouvait emprunter plusieurs formes. C'était un travail d'écriture qui s'imposait mais que … j'arrête parce que je dis n'importe quoi …

Annick
Non, et ce qu'il faut faire c'est tirer, prendre le mot mémoire et voir comment, pour chaque film, revenir toujours au concret. C'est un type de travail possible: on reprend les 4 films qui ont été plus ou moins appréciés et on repère comment chacune visuellement, on ne peut partir que de la forme, comment visuellement et auditivement on sent que la mémoire travaille le film. Ça peut être par l'intermédiaire du sujet. Les usines Lumière, par exemple, c'est à la fois de la forme et le sujet : à la fois le plan mythique et un plan du passé on peut regarder dans mon film en quoi on peut dire ça travaille de la mémoire, en dehors du fait que c'est un film que j'ai fait en 97 et qu'on est en 2001. On peut peut-être par ce fil-là essayer de repérer où ça se joue à chaque fois. C'est pas évident. Peu à peu si on creuse, on verra des choses plus subtiles mais c'est un vrai travail.
C'est ce genre de travail qui serait à mon avis beaucoup plus riche que de faire ce qu'on fait en général, de l'analyse filmique (on prend un film, et on analyse le film). C'est plus intéressant de prendre quatre films aussi différents, et de travailler la question de la mémoire et du souvenir : on pourrait dire que le souvenir c'est quelque chose de conscient, ça revient, et la mémoire, ce serait notre stock mais qui ne ferait pas forcément surface, et qui quand même nous travaille et du coup va, si on peut dire, “achopper” à la conscience par des manifestations de pensée, visuelles Qu'est ce que ça serait les souvenirs conscients : on voit un film sur le cirque et d'un seul coup, qu'est-ce que ça déclenche Et puis d'¡tre attentifs à tout ce qu'on dit pour voir Tu dis : «Je dis n'importe quoi.» Non, tu ne dis pas n'importe quoi.

Françoise G.
Parce que ce n'est pas élaboré j'arrive pas à penser et parler en même temps il faut que j'écrive et après …

Annick
Ce que je voulais dire, justement, c'est quelque chose que tu ne contrôles pas. Il est évident que tu ne dis pas n'importe quoi et ce que tu exprimes, c'est exactement la manifestation de que je voulais dire : des choses qui nous “travaillent” Tu as dit ça et pas autre chose. Ce qui est intéressant c'est de reprendre, repartir de ce que tu as dit et d'ouvrir, parce que ça peut ¡tre mis en relation avec d'autres choses dans ton sentiment de dire “je ne sais pas ce que je dis, je dis n'importe quoi”. C'est là que ça devient intéressant. C'est quand les choses ne sont pas forcément maîtrisées ni contrôlées

Françoise G.
Oui, il aurait fallu que je reprenne chaque film et repenser à chaque fois. Dans une démarche collective, ça peut être intéressant …

Annick
C'est un exemple de piste. Ça peut ¡tre une piste pour le travail avec vos élèves : arriver à trouver une autre façon d'aborder les films autrement que par l' “analyse filmique”.
J'ai assisté récemment à une conférence sur un film d'aventure américain. Le conférencier avait choisi de travailler à partir de Nietzsche, sur la dialectique, la tension, la polarité : il n'y a pas les bons d'un côté et les méchants de l'autre, la nature idyllique et la nature sauvage, barbare, mais une tension entre deux polarités. Sauf que, il a fait une analyse du film. Il a étudié en quoi il y avait de la dialectique au niveau des thèmes relevés dans le film (jeunesse/vieillesse, sauvage/civilisé, etc.) puis dans un second temps au niveau formel (rapports de plans, etc). En même temps, il s'excusait constamment sur le fait que son intervention, organisée, ne reflétait pas le film qui joue vraiment cette tension, cette dynamique de la dialectique. J'ai été très sensible à ces excuses répétées. J'en ai parlé plus tard avec lui et je lui ai demandé si on ne pouvait pas trouver une façon d'aborder les films qui ne détruirait pas la force du film. Je pense qu'il y en a un qui a trouvé un moyen, c'est Didi-Huberman, dans le domaine de l'histoire de l'art. C'est le problème de l'analyse. L'analyse, ça dissèque les choses, ça repère les éléments constitutifs, mais ça n'invente rien : ça ne repère que les éléments qui sont contenus dans l'objet qu'on analyse

Clémentine
Oui, mais en fonction de notre culture mentale on ne dissèque pas de la même façon!

Annick
Là où je voudrais en venir, c'est que même dans un travail de pensée, et même quand on veut aborder un film, je pense qu'on peut ne pas partir tout de suite de l'analyse, mais plutôt de la synthèse : prendre des choses, des éléments épars, et les questionner, pour ne pas annuler cette dynamique. Ce conférencier dit que le film est d'une dynamique folle mais que son discours l'annule.
Il ne faut pas partir de l'analyse il faut trouver d'autres façons.
Ici, on regarde quatre films, et puis tout à coup, il y a cette question de la mémoire. Effectivement un peu comme j'avais repéré la question du blanc … là, on pourrait prendre les quatre films et les travailler ensemble par rapport à mémoire/souvenir.
Déjà il faut se poser la question : c'est quoi la mémoire ? c'est quoi le souvenir ?
Il y a déjà un travail philosophique, psychanalytique, à faire pour pouvoir utiliser ces mots dans toute leur force.
Et puis après, et ça peut se faire avec tous les âges, — il suffit de se mettre à la hauteur de ceux qu'on a en face de soi —, ça peut être une façon d'aborder les films sans les réduire à … Après on peut éventuellement faire de l'analyse filmique mais pas tout de suite.
Trouver à partir de discussions qui sont peut-être hors cinéma. Je vous donne le texte de Benjamin sur la question de la transmission et des affinités électives. Françoise voit le film de Van der Keuken : elle fait un lien entre les deux et ça la renvoie aux films qu'on a vu avant. Et du coup ça ouvre une porte sur le fait de travailler les films autrement qu'en les disséquant par l'analyse.

Françoise L.
Pour moi la 4e séance a été un tournant. J'ai mis sur mon papier le mot : besoin. Besoin de relire le document que tu nous avais remis au départ.
Et le fil que j'ai tiré c'est le mot “intérêt”. Je trouve que c'est un moteur très fort, et c'est un moteur aussi dans l'acte pédagogique. D'ailleurs, pour moi, l'acte pédagogique, c'est une création, c'est un acte créatif. Les gens acceptent difficilement qu'on dise qu'un acte pédagogique peut être un acte créatif mais moi j'y tiens. A chaque fois, ça suscite des réactions épidermiques, c'est intéressant.
Pourquoi “intérêt” ? Ça m'a rappelé le mot “motivation”, “curiosité”, parce que dans les années 70/80, on a bossé comme des fous sur : c'est quoi la motivation ? Qu'est-ce qu'il faut en faire ? J'ai repris le texte de Nietzsche quand il dit qu'il faut avoir un “œil plus neuf et “laisser venir à nous”, apprendre à voir, c'est laisser les choses venir à lui. Ça a l'air de rien, mais que les choses “viennent à” …
C'est totalement personnel et intime : je fréquente pas mal des expos, tous genres, tous styles, et je me dis : serais-je plus disponible, ouverte, aux arts plastiques, — après avoir vécu ce qu'on a vécu ensemble — qu'au cinéma ? J'ai l'impression que quand je vais voir des choses fort différentes, choquantes je me “pose”. Je prends du temps. Et je laisse “aller”, comme il dit Nietzsche. Au niveau du cinoche, comme ça va vite, peut-être, j'ai l'impression que je ne peux pas me poser pareil. Je me laisse moins aller, je laisse peut-être moins les choses “venir à” …

Annick
Tu n'es pas allée plus loin dans cette constatation ?

Françoise L.
Je vais retourner voir des expos, pour voir comment ça se passe!

Annick
Ce sont des films qu'il faudrait voir pour “tester”. Si on a le temps, je vais te “tester”, tout à l'heure

Françoise G.
Dans les expos tu as des films j'ai vu beaucoup de films d'Andy Warhol, par exemple, où vraiment je te dis franchement, je pète les plombs, alors que je vois des installations où les gens se tirent et moi je me pose, je laisse aller, je laisse venir une installation, tu peux rester une heure devant …

Annick
Tu parles d'installation avec des images mouvantes ?

Françoise L.
Parfois oui, parfois non.

Françoise G.
Ce que tu dis, j'y ai pensé sur la façon de découvrir quelque chose qui t'es totalement étranger. Et je me disais : c'est vrai par rapport à une “œuvre, une peinture, quelque chose qui n'est pas en mouvement justement, tous les éléments sont statiques, tu as plus de temps pour t'en pénétrer et essayer de décrypter au fur et à mesure. Je me disais, un film, souvent, on a la mémoire tellement volatile que c'est bien plus multi-sens, il y a plein d'informations qui t'arrivent au fur et à mesure et que c'est bien plus difficile d'engranger tout ça et d'avoir une vision un peu globale. Alors que l' “œuvre”, elle est là. Tu retrouves toujours tes éléments, tu as le temps de te promener à l'intérieur.

Annick
Tu n'as pas lu le premier texte de Benjamin, parce que c'est exactement ça la question de la “distraction” et du “recueillement”. Ce que tu décris, c'est ce qu'il décrit en 1936, effectivement. Le film qui va trop vite par rapport au spectateur. C'est quelque chose que chacun peut constater Benjamin parle de “présence d'esprit” …


Françoise G.
Et la mémoire …

Annick
Oui, avec la“ présence d'esprit”, la mémoire est convoquée …

Françoise G.
Un flot de sensations, d'impressions qui t'arrivent, c'est difficile …

Annick
C'est un des trois fils qu'on a tiré cette année. Avec les enfants c'est hyper important cette histoire-là. Ma proposition de “changer de braquet”, vient de là. Comment s'adapter à des rythmes différents. Avec certains films on est complètement largués et puis pour d'autres, il y a des rythmes où c'est trop lent. On a d'un seul coup trop de temps pour jouir de nos associations de pensée et on ne le fait plus parce qu'on est tellement habitué à ce que le film nous dicte son rythme.

Françoise L.
Peut-être que des enfants réagiraient autrement, nés avec l'image j'en sais rien …

Valérie
Par rapport à la vitesse, ils réagissent pas mal, mais c'est par rapport …

Annick
C'est l'exemple de la petite fille que j'avais au MNAM et qui trouvait que c'était toujours pareil : face à l'image de la cire tombant au creux de la main. Bien sûr que c'était pas toujours pareil, mais pour elle ça l'était … Les enfants sont dans la vitesse. C'est la citation de Jean Epstein par rapport à son film La Belle Nivernaise. Si Epstein repère une différence entre 1924 et 1929, à plus forte raison maintenant …
Là, il y a quelque chose à faire — je n'ai pas d'idée pour l'instant — et qui pourrait avoir un retour sur les arts plastiques en général, sur la peinture. Je pense beaucoup à Giacometti. C'est mon fils qui m'a fait découvrir ça. Devant un tableau de Giacometti, les gens restent 15'', 20'', une minute ! Pour lui, c'est au bout de cinq minutes qu'on commence à voir un tableau de Giacometti. D'un seul coup, un tableau de Giacometti devient un magma, une mouvance de plans. il faut au moins 5 minutes pour que ton regard et ta pensée entrent dans le tableau. J'ai fait l'expérience, et c'est vrai. Après j'ai revu des tableaux de Cézanne et pour la première fois j'ai compris ce que ça voulait dire quand on dit que l'air vibre dans un tableau de Cézanne, et je ne l'avais jamais éprouvé.
J'ai l'impression que sur cette histoire de “contemplation, recueillement, distraction”, il faudrait, avec les élèves, travailler à la fois le cinéma et les arts plastiques. Mais il faut d'abord partir de nous, ressentir ce que c'est que la contemplation dynamique — parce que lorsqu'on reste 5 minutes devant un tableau de Giacometti, c'est de la contemplation dynamique. Ça m'énerve quand on dit qu'on est passif dans la contemplation!
Donc, travailler le cinéma dans des films “lents” ou “rapides”, comment, intérieurement, ça se joue …

Mireille
Tout ce que ça met en œuvre …

Annick
C'est pour ça que ça m'ennuie beaucoup qu'on fasse un enseignement artistique par j'allais dire : par “discipline”, par “art”: ça cloisonne, ce qui est important c'est …

Françoise L.
… Le débordement …

Annick
… comment on le reçoit …

Valérie
En même temps, ça s'adresse plus au niveau du secondaire, parce que le primaire …

Françoise L.
Sauf que, il faut bien le dire, on a des PVP [1] bien précis qui arrivent à telle heure et tu as l'instit qui s'en va dans un coin corriger ses cahiers, je m'excuse de le dire et l'instit revient une heure après avec ses cahiers : c'est pas ça qu'on devrait vivre. On devrait vivre une collaboration, quelque chose qui se passe. C'est très rare qu'il y ait osmose et si on veut que ce soit transversal il faudrait déjà que cette personne qui est soi-disant spécialiste, elle se retrouve pas seule. A priori, normalement, dans les textes, l'enseignant, il est là.
On peut préparer : c'est une question de volonté

Annick
On tire encore un autre fil : la transversalité …

Valérie
Ce qu'a dit Françoise c'était pratiquement la conclusion de ce à quoi je voulais arriver aussi.
Ce qui m'a un peu étonnée : je pensais qu'il y aurait plus, dans nos … découvrir plus de liens entre le cinéma et les arts plastiques. On est pas allées sur ce terrain-là alors que ça me paraissait presque une évidence. Et je ne l'ai pas ressenti. C'est arrivé à la fin avec Mekas, finalement. Ça a été long. Je l'attendais plus vite.

Annick
Oui, parce qu'il y a un grand danger, quand même … Il y a eu “cinéma et politique”, “cinéma et psychanalyse”. C'est pas suffisant de faire “cinéma et arts plastiques”. On va risquer de retomber dans quelque chose de rigide. Il faut arriver … A la limite, il faut partir de “cinéma et pensée”
Je viens de relire un texte de Giorgio Agamben, un philosophe italien, qui s'intitule “notes sur le geste” où il finit par dire : entre le cinéma et la philosophie, il y a quelque chose qui se passe. Et c'est pas du tout de dire être philosophe c'est comme lorsqu'on dit que dans nos neurones on a quelque chose qui nous prédispose à recevoir l'héroïne. Il y a je ne sais quelle substance qui est “complémentaire” avec les stupéfiants et qui fait que “ça accroche”, c'est pour ça qu'après il y a de l'addiction parce que ça marche tellement bien par rapport à des choses de notre cerveau. Il y a des choses qui, entre cinéma et philosophie, accrochent Il faut pas en rester seulement aux “disciplines” …

Valérie
Lors de la première séance tu nous avais conseillé d'aller voir l'exposition d'Anselm Kiefer …

Annick
On n'en a jamais parlé…


Valérie
J'avais l'impression qu'on allait partir dans cette direction …

Annick
C'est vrai, c'est quelque chose que j'ai lancé, qui n'a pas été repris par le groupe. Au départ, j'ai jeté des éléments, en me disant : il faut qu'il y ait des choses qui “prennent” et des fils qui se tirent. Mais j'ai regretté qu'on n'en ai pas parlé. J'avais bien sûr quelque chose en tête en vous faisant cette proposition, et ça n'a pas été forcément la façon dont vous l'avez reçue? Tu veux en dire quelque chose ?

Valérie
On s'était parlées au téléphone la veille, et finalement je n'y suis pas allée parce que j'ai ouvert un bouquin à la maison et j'ai vu des reproductions et je me suis dit que je ne me sentais pas d'y aller. J'en ai vu après et je me suis dit que “C'est vrai, t'as bien fait de pas y aller.” J'ai eu peur qu'on se laisse avoir par le site en lui-même de la chapelle de la Salpétrière qui est formidable.

Annick
C'était justement pour ça que j'avais envie que vous y alliez. C'est par rapport à la question de la présence et par rapport au cinéma. Ce que Kieffer a fait pour la Salpétrière, c'est sacré, c'est religieux, et aucune reproduction ne peut te faire ressentir ton corps face à cette matière. Par rapport au cinéma, le cinéma étant un “déplacement”, c'était un des fils que j'aurais voulu travailler. Les gens étaient là. On n'avait pas envie de partir … notre corps face à ça. Alors que le cinéma, on est devant quelque chose devant l'empreinte de quelque chose …

Valérie
Quand tu as vu après la vidéo de Bill Viola à Saint-Eustache …

Annick
Non, je ne l'ai pas vue, malheureusement …

Valérie
C'était des images au ralenti, d'un extrême ralenti. Là, c'est pareil je pense qu'il y avait quand même de la présence très forte …

Annick
C'est comme ce qu'il avait présenté à la Salpétrière, justement. L'intérêt de certains travaux de Bill Viola fait que l'on retrouve la question de la présence.
Quand Françoise a parlé de la salle où elle ne se laisse pas aller et que devant une installation elle est plus disponible … Dans mon travail actuel, personnel, au niveau de l'image, je ne “travaille” plus pour la salle. Je veux travailler pour un grand espace, ou des petits espaces. Pour certains projets, c'est une toile au milieu d'un grand espace … Je voudrais travailler une certaine “présence”. Je voudrais que les spectateurs soient dans le noir, qu'il puissent se déplacer autour de l'image projetée sur une grande toile au milieu de l'espace en portant un casque pour être “dans” le son et pas entendre le sons des installations d'à côté. C'est chercher, retrouver une certaine présence mais qui n'est pas celle de Kieffer, pas la présence face à Giacometti. C'est autre chose. La question de la présence, c'est un autre fil à travailler avec les enfants. Il y a des cinémas qui te demandent … par exemple, le cinéma des Straub travaille la présence, je trouve. J'ai toujours pensé que j'aimerais bien voir certains films des Straub en extérieurs, à l'air libre, dehors, pas en salles …

Clémentine
Qu'est-ce que vous appelez la présence ? C'est quelque chose qui nous dépasse ?

Annick
C'est la co-présence, on peut dire. Ici, nous sommes présentes. Il n'y a pas de medium par exemple, la pellicule, ça va être le medium : l'image est filmée en 97, je vous montre mon film en 2000, vous n'êtes plus face à, co-présentes à, il n'y a que la trace de ce que j'ai filmé en 97 …

Clémentine
Comme il y a une connotation je voulais savoir …

Valérie
Oui, c'est plus que ça, ça devient mystique …

Annick
Oui. Dans les textes pour mes projets, j'ai écrit : “le réel comme sacré” je vais vers ça, ça me fait un peu peur …< br> Il pourrait donc y avoir aussi des transversalités sur cette notion-là.

Françoise L.
Je voudrais être claire. Quand j'ai parlé tout à l'heure, c'est pas le coup de la “discipline”, c'est une question d'attitude, de pensée, même. C'est un constat, mais moi c'est pas ciné/arts plastiques. C'est vraiment mon attitude. Comment je suis, comment je pense, comment je laisse venir à moi autrement …

Annick
On a ouvert deux pistes : sur la question de disponibilité, puis sur le côté arts plastiques. j'ai ouvert autre chose: ne pas en rester à comparer des pratiques. Toujours passer par un medium qui est le spectateur. C'est notre pensée et nos sensations qui sont importantes.
(à propos des notes sur le gestes de Giorgio Agamben)
je ne peux pas encore en parler parce que c'est un texte que je ne maîtrise pas assez. Ça touche la différence que fait Agamben entre geste et image.
Dès qu'on se pose certaines questions, on est obligé de reprendre des choses fondamentales de notre culture et de remonter, et plus ça va plus je suis obligée de “remonter”. Donc, j'ai enfin lu la Poétique d'Aristote : c'est très court et d'une grande clarté. Quand je repense aux cours de cinéma que j'ai eu sur la mimesis, la représentation, la poiesis, etc. Je trouve que c'est très clair. Si cela vous intéresse, pour moi, j'ai tapé certains extraits de la Poétique et de l'introduction du traducteur sur “poésie et imitation”, “l'objet de la poésie”, la traduction du mot “techne”. L'imitation par exemple, ce n'est pas seulement l'imitation de l'aspect …

(…)

Mireille
J'ai pensé à quelque chose quand tu as dit “l'histoire — les histoires — ça ne m'intéresse pas”. Là ça semble un peu évident mais il est vrai qu'habituellement lorsqu'on parle du cinéma c'est quand même la fiction, je voulais qu'on parle de ça …

Annick
Le texte de Deleuze répondait en partie : les histoires c'est quelque chose qui est commun à beaucoup de moyens et ce que travaille le cinéma, c'est plutôt la création de blocs de mouvement/durée.
D'une certaine façon on y répond aussi un peu, partiellement, dans ce qu'on a fait. On a travaillé par exemple : entre la pensée du film et la pensée du spectateur, on a vu la question du montage Ce qui est spécifiquement cinématographique c'est quand même cette possibilité d'enregistrer le travail de la lumière sur une pellicule argentique et de pouvoir ensuite monter comme on veut. Là on construit forcément du récit mais qui n'est pas forcément chronologique ou organisé comme une histoire, au sens d'intrigue. Le cinéma, pour le dire très vite, peut se passer d'intrigue …

Clémentine
Ce qui fait l'intérêt, Il paraît qu'il faut qu'il y ait un conflit entre deux parties. S'il ne se passe rien ça n'a pas d'intérêt.

Annick
Jean-Claude Carrière, que j'ai entendu un jour sur La 5ème pense que le cinéma n'est pas un art de l'image mais un art dramatique. Lui, est totalement dans l'histoire, l'action, mais on peut très bien lui rétorquer que c'est un art de l'image. Seulement, on prend des prémisses qui sont différentes …

Valérie
Lui, il met l'image au service d'autre chose …

Annick
Mais qu'est-ce qu'il entend par le mot image ? Agamben, lui dit que le cinéma n'est pas un art de l'image mais un art du geste, mais je ne suis pas encore prête pour en parler et ce sont des choses que je ne voudrais pas traiter dans Ouvrir le cinéma, comme dans un livre. Je voudrais toujours que ça parte de fils …

Mireille
Je mettais l'accent sur le fait que le film c'est autre chose que la fiction. Tout à coup, quand tu l'as souligné, je me suis dit, c'est vrai, mais comment le faire passer auprès de gens?

Annick
Je crois qu'il ne faut pas se poser la question du comment le faire passer, il faut prendre les choses très à plat et puis il faut qu'il y ait — c'est pas une logique parce que ça peut être illogique —, mais il faut que les questions comme dit Deleuze s'emboîtent les unes dans les autres et pas sortir une question d'un chapeau.
Ce que je voudrais arriver à proposer : la question de la fiction, par exemple, ne va pas arriver artificiellement mais de tout un magma de travail et de pensée. Il y aurait déjà eu auparavant un travail qui nous aurait donné des fils, des bases. On saurait, — si on travaille en groupe —, que tel mot est utilisé de telle façon que la question de la fiction soit supportée … Agamben parle du geste qui supporte, le geste du roi, la souveraineté : le roi qui régit. Le roi ne fait pas, n'agit pas, mais il régit, il supporte, il assume quelque chose, il assume la souveraineté, le pouvoir. Comment on dit : le roi règne mais ne gouverne pas … Gouverner ça pourrait être au sens d'agir ?

Maryvonne
Ça devrait être au sens de faire mais effectivement en ce moment c'est au sens d'agir. Mais je pense que gouverner pourrait être aussi créer mais ce n'est pas tout à fait le cas de nos gouvernements actuels.
Par rapport au geste. Je suis en train de lire — enfin, des bouts — La Raison des gestes de Jean-Claude Schmitt, dans lequel il y a des trucs intéressants que je vais utiliser avec les élèves. Je l'ai lu parce qu'il est cité par Gilles Châtelet dans un livre, que vous ne lirez pas, mais je fais des ateliers de lecture sur ce livre qui est un livre génial, très dur à lire, Les Enjeux du mobile. C'est un livre pluridisciplinaire de math-philo-physique mais qui utilise aussi la linguistique, l'épistémologie, la psychanalyse, la philosophie cette question du geste est très travaillée en ce moment dans des disciplines très diverses. Schmitt est un médiéviste, Châtelet c'était un philosophe matheux et aussi Gilbert Simondon qui est un philosophe qui a parlé de la généalogie des gestes …

Annick
Justement, les photocopies qui sont au mur depuis deux mois, c'est par rapport au geste et au montage. Ce sont des illustrations d'un article de Philippe-Alain Michaud sur Aby Warburg, un historien de l'art qui a composé des planches d'images où il rapprochent des gestes pour questionner ce qui se déplacent dans ces gestes, par exemple, une nymphe grecque sur un vase ou un bas-relief et une joueuse de tennis moderne. Il a appelé ce travail “Mnémosyne”. C'est très cinématographique. Michaud termine d'ailleurs par le rapprochement que fait Godard dans ses Histoire(s) du cinéma entre Lilian Gish dans le film de Griffith, A travers l'orage, et les hystériques de Charcot à la Salpétrière.
En dehors de Ph.-A. Michaud, il y a sûrement des gens en cinéma qui travaille de cette façon mais je ne les connais pas. Il faudrait voir si Nicole Brenez travaille comme ça. Je n'ai rien lu d'elle. Elle s'occupe du cinéma expérimental à la Cinémathèque Française. C'est déjà une ouverture …

(…)

Maryvonne
J'ai pas eu le temps de travailler, mais pour reprendre le texte de Nietzsche : un des trucs de l'école c'est d'apprendre à penser à nous et aux jeunes. C'est très important et c'est un des moteurs de ma présence ici, qui est à la fois une envie, un besoin, un désir. Je crois que c'est vraiment les trois.
Moi aussi, ça m'importe drôlement l'histoire de la mémoire et des souvenirs, dans le cinéma mais aussi d'une manière complètement transversale, trans- ce qu'on veut.
En reprenant la citation de Deleuze citant Bergson. “Le souvenir n'est pas une image actuelle qui se formerait après l'objet perçu mais une image virtuelle qui co-existe avec la perception actuelle de l'objet.”
C'est une formulation mais il y en a plein qui seraient peut-être encore meilleures que celle là, sur le fait de cette importance de la dualité du souvenir (les deux sont présents mais avec une dualité complètement différente une dualité avec des présences différentes).
Il y a aussi l'idée d'entre-textualité quand tu disais [ à Françoise G.] qu'un film t'avait … Si je lis Leibniz et Hegel, pour parler d'un tout autre domaine, c'est vrai que Leibniz se lit à travers Hegel et Hegel se lit à travers Leibniz. C'est sûr que Hegel a lu Leibniz donc c'est pas une fantasmagorie, mais même ce serait pas grave si c'était seulement dans ma tête. Alors, l'entretextualité, c'est un mot comme un autre, c'est pas moi qui l'ai inventé, je préfère entretextualité à intertextualité. C'est un mot d'Yvon Belaval qui est un philosophe contemporain.
En fait je ne sais pas trop pourquoi je suis ici, — si ce n'est que ça me passionne —, puisque mes références vont être précisément sur ce que je fais en mathématiques :
Un truc que tout le monde connaît même au niveau du souvenir. Vous savez vaguement qu'il y a quelque chose comme π qui existe, oui ? Généralement quand on en parle les gens sont contents. Tu vois [à Françoise L.] tout de suite tu as dit πr2. On est content de se souvenir de quelque chose même si ça réveille des souvenirs comme tu dis, douloureux, ou ennuyeux. Ce que je fais avec mes élèves sur le travail de la mémoire que je peux appeler “culture commune” — c'est aussi un peu ça qu'on a fabriqué entre nous. A chaque fois qu'on forme un groupe, il y a l'idée de cette culture commune,
Alors, il y a une culture des images, et une culture des textes, qu'on a fabriquée. Avec les élèves, je fabrique la même chose, enfin j'essaie par exemple, sur la mesure du cercle. J'ai envie de faire un film là-dessus. C'est vrai que ça m'intéresserait, parce que je pense que ça peut être un truc qui motive les élèves, pour se rendre compte qu'il y a l'action et la réflexion : on est dans l'action quand on va — alors, là, je vais vous parler “hébreux”— encadrer le périmètre du cercle entre un carré circonscrit et un hexagone régulier inscrit, là je vous parle hébreux.— Il y a un agir: là, les gamins le font avec leur corps, avec leur compas. Tout ça se travaille à plein de niveaux : il y a la Bible, les Egyptiens, Archimède, les Hindous, les Chinois. Puis on se pose la question, un vrai questionnement : “Qu'est-ce que les hommes en avaient à foutre de mesurer le périmètre du cercle ou l'aire d'un disque ? Si vous avez une réponse …? Là, c'est un vrai questionnement!
D'ailleurs, après pas mal de travail et la question que j'ai posée aux élèves, leur réponse c'est, pour certains : “C'est Mme Hallez qui a inventé ça pour nous emmerder”. C'est une réponse possible parmi plein d'autres. De tout ce magma, pour l'instant, j'ai plein de “texte libres” — entre guillemets —, parce que qu'est-ce que c'est qu'un texte libre : je suis prof Freinet mais à ma sauce, à ma manière. Quand je dis : construire un carré d'aire double de celle d'un carré donné, que je leur dis d'écrire tout ce qui leur vient dans la tête, il y en a qui me font vraiment des textes libres puisqu'ils se mettent à raconter une histoire qui n'a absolument rien à voir avec la question posée, qui piquent des mots et à partir de ces mots inventent une histoire. Comment on invente une histoire ? on reprend un conte qu'on connaît un petit peu alors, que ce soit Le petit chaperon rouge ou Le petit africain … De tout ce magma de choses qu'ils font là, j'ai envie qu'il y en ait quelque chose qui reste en trace commune pour le groupe classe mais en même temps, ce que je pense, c'est que ces réflexions-là, c'est la bonne manière d'enseigner les mathématiques — n'est-ce pas — et donc que ça devrait aussi être diffusé.
Donc, mon interrogation, je la retrouve dans beaucoup de choses, je vais citer Benjamin [2] :

“Les concepts nouvellement introduits dans la théorie de l'art par les pages qui suivent se distinguent des concepts usuels en ce qu'ils sont complètement inutilisables pour les visées du fascisme. Ils sont utilisables au contraire pour la formulation de revendications révolutionnaires dans la politique artistique.”

Ça, je pourrais dire que c'est mon credo. Evidemment, c'est un théorème qui n'est absolument pas démontrable ni prouvable, mais, j'ai bien envie de dire que ce que je viens de vous proposer comme ce qui est proposé par Benjamin, avec le fait, je dis pas que Benjamin remplit son programme, pas plus que je ne remplis mon programme, mais que si je devais faire un programme électoral je pourrais tout à fait mettre ça, — ce que je viens de dire. Je suis là, aussi : “résistance et politique” — Complètement.

Il y a aussi la notion d'aura. Cette notion d'aura, ce qui entoure quelque chose que l'on peut lire, que l'on peut voir, que l'on peut vivre — j'aime bien la distinction de Benjamin par rapport à l'autorité — c'est pas l'autorité de la chose ni de du texte, c'est l'aura — a — u — r — a — ou ora — o- r- a — parce qu'on peut faire le jeu de mot avec la bouche et tout ce qu'on veut là-dessus — les limites, les contours — on peut jouer dessus! Et c'est de ça que ça peut travailler et faire que, moi-même — alors là, je te rejoins tout à fait [à Francoise L.] — l'enseignement est un acte créatif, enfin au moins quand on y arrive! Parce que évidemment la création, c'est pas tous les jours! Et que pour le gamin aussi! Celui qui va inventer une solution à une question qui est posée, il fait de la création! C'est pas parce qu'il retrouve ce qui a été fait mille ans avant lui!

Annick
C'est dans l'acte …

Maryvonne
Et ça, il faut à la fois le faire entendre aux gamins entre eux — parce que, sinon : “Ah, bah! Evidemment! Ça a déjà été trouvé avant toi!” — C'est tout ce rapport-là qui est à changer, et puis aussi, l'importance de revenir aux Textes, c'est aussi ce que je promeus complètement et non pas uniquement en tant que “Déclic” mais en tant que chercheuse de l'Institut de recherche de l'enseignement des mathématiques, je suis uniquement celle qui fait lire des textes [3] — des textes originaux : ça, j'y crois vraiment. Insister, travailler le mot, le langage, la polysémie du langage et tu peux faire aussi “éclore” des trucs. Alors, comment tout ça pourrait s'articuler avec ce que je vais essayer de refaire avec mes gamins, avec le camescope, je n'en ai alors, aucune, aucune idée.
Globalement, tout ce que j'ai entendu cet après-midi, m'a vraiment intéressée.

Clémentine (Maternelle)
Par rapport à mes élèves, comme quoi c'est important d'ouvrir le cinéma : on fait venir la cinémathèque Robert Lynen à l'école — c'est moi qui suis chargée de la programmation films — on a un catalogue avec le résumé de l'histoire, on n'a pas les images, on a rien. Donc, j'avais choisi Aucassin et Nicolette, un film d'animation avec des silhouettes noires sur fond de couleurs et l'autre film Antoine, l'aventureux, l'histoire d'un escargot provincial qui monte à Paris attiré par la capitale et qui s'en retourne illico presto chez lui, très déçu.
Aucassin et Nicolette, ils ont plus ou moins accroché, mais Antonin, l'aventureux, ça ne les a pas du tout intéressé. Il y un enfant qui a dit — et je n'ai pas eu le temps d'approfondir — “Ah, c'était pas un film !” — alors, qu'il y avait une histoire, une narration, le voyage jusqu'à Paris, son retour Je me suis dit : “Oui, c'est important de préparer le terrain parce que déjà à cet âge-là les enfants ont déjà des idées préconçues. J'étais surprise, parce qu'on dit : “les enfants sont réceptifs, etc.”. C'est vrai que c'était à la place de la récréation, il pleuvait, il y avait de l'électricité dans l'air, bref Il y avait un autre film, je ne l'avais pas vu mais une personne m'en avait parlé avec éloge, c'est L'opéra imaginaire, et là non plus, ils n'ont pas accroché. Je me suis demandée: comment faire pour qu'ils s'y intéressent ?

Annick
Est-ce que tu poses bien la question ? “Comment faire pour qu'ils s'y intéressent ?” tu décides qu'ils doivent s'intéresser à ça. Mais en quoi …?

Clémentine
Justement, pour leur ouvrir le regard, sinon ils resteront dans la même optique.

Annick
Comment dire ? Quand un enfant te dit que c'est pas un film, il dit pas forcément que “c'est pas un film”, en disant ça. Si ça se trouve, ce qu'il veut te dire ne concerne pas du tout le film mais concerne lui et toi, je ne sais pas …
Souvent, avec les enfants, “c'est pas un film”, parce que, par exemple, c'est trop court. Ils ont déjà intégré la norme du film de long métrage — Un film, c'est forcément long, forcément en couleurs, et forcément parlant …
Avant de dire : “Comment faire pour qu'ils s'y intéressent”, il y a un travail à faire sur les mots

Françoise L.
C'est compliqué ces affaires. J'ai vu dans une école, Poil de carotte. Le directeur, en toute bonne foi et sympathie a voulu vraiment — le drap accroché, le préau, assis à moitié par terre, à moitié sur les bancs, le projecteur qui faisait du bruit — c'était pas inintéressant mais il y avait quand m¡me 6/7 classes devant, c'est pas évident ! Tu avais un éclair de soleil qui venait taper au beau milieu du drap ! Comment veux-tu que les mêmes ils jouaient avec, ils avaient raison !
Par contre l'autre jour, j'ai vu Les Temps modernes, dans une salle de cinéma, l'Escurial : huit classes bien assises. Tu entendais le silence!

(…)

Annick
Pour terminer et réagir au texte de Deleuze “Avoir une idée en cinéma”, il y avait donc la question du besoin mais aussi l'idée concernant la disjonction de l'image et du son, notamment chez les Straub quand l'image nous dit quelque chose et que le son nous parle de ce qui est sous l'image Je voulais vous montrer le debut de Trop tôt, trop tard
Le discours de Deleuze est assez fort, assez séduisant, “prenant” mais en même temps, les films dont il parle, je ne suis pas sûre qu'ils vous séduisent.

COMPTE RENDU : Françoise G.

En écho aux textes de Deleuze donnés par Maryvonne la fois précédente, ouverture de la séance par la projection d'un extrait de l'abécédaire : Q comme question.
Différenciation entre question et interrogation : l'interrogation est de l'ordre de l'opinion (“que pensez-vous de ?”): la question est de l'ordre de la recherche d'un problème posé. (aparté — Françoise L. et Valérie s'accordent à trouver Deleuze “séducteur” — se-ducere— conduire — cf. Annick)
La question, le questionnement comme objectif de travail, comme méthode. Questionner, entre autre, l'approche sémiologique du cinéma telle qu'elle est proposée majoritairement depuis les années 70 et parvenir à une autre approche qui “ouvre le cinéma” sur d'autres terrains de connaissances, de créations.
Rappel du cadre de travail de notre groupe tel que l'a proposé Annick (6 séances, un lieu de recherche et pas un lieu de “formation”), suite à mon intervention sur mon désir de travailler la question (?) de l'approche du cinéma avec les enfants, dans la lignée de notre travail, cela aussi en perspective avec les textes Lang-Bergala dans les Cahiers du cinéma.

Note personnelle : j'ai l'impression de rentrer dans une dynamique de réflexion autre sur le cinéma (et plus largement), et l'échéance de la prochaine et ultime séance me laisse dans un désir et un besoin de prolonger, d'étayer cette réflexion. La question de la “passation” auprès des enfants en découle.

À voir : quelles autres modalités, pour continuer la réflexion.

Interventions, contribution de chacune sur notre travail en cours.

Françoise L. a évoqué sa difficulté, malgré tout, à recevoir ou à entrer dans certains films, vus au cours des séances, alors qu'elle est tout à fait réceptive à une “œuvre exposée, telle une installation qui peut sembler également difficile d'accès (mais où on “s'installe”).

>> Renvoi au problème de vitesse et de mouvement qui ne permet pas la contemplation et/ou la réception, selon nos habitudes de spectatrice quand le cinéma va trop vite ou trop lentement. (cf. le texte de Benjamin).

>> Difficulté aussi de “présentation” à des élèves. Face à une “uvre exposée, temps de la contemplation, de l'imprégnation, de parcourir en tout sens, de revenir à un élément qui fait écho, à un autre, etc.

>> Dans le bloc “mouvement/durée” (cf. Deleuze), d'autres stratégies d'approche à mettre en œuvre. (cf. la distraction, le “braquet visuel”).

>> Renoncer à son propre temps; entrer dans le temps de l'autre, ce qui n'est pas très facile — acceptation d'une non-maîtrise.

J'ai évoqué le film de Van der Keuken, Vacances prolongées, vu récemment sur Arte, et comment dans le sillage du film, des films vus lors de nos séances prenaient une “parenté”, pour moi. Questionnement autour de la mémoire et du désir/besoin de filmer/

Mémoire et Souvenir

Et puis, depuis : “toute “œuvre d'art n'est pas un acte de résistance, et pourtant d'une certaine manière, elle l'est.” Phrase qui “diffuse” dans de nombreuses directions et fait l'écho, aussi, pour moi, à l'intervention de Maryvonne qui a évoqué, entre autre, un autre point que je n'ai pas mémorisé (pas de prise de notes) — pas bien compris non plus — et la reprise du projet de film, avec ses élèves.

Valérie a évoqué son attente d'un lien avec les arts plastiques. Il y avait eu l'exposition de Kiefer à la Salpétrière que quelques unes seulement avaient vue, donc un fil resté en chemin.

Le dialogue très fort entre l'œuvre exposée, le lieu, et la lumière, comme élément à part entière de “narration” (? — pas le mot “juste”). Evocation de la “présence”, issue de cette conjugaison, de cette rencontre. J'aimerai revenir sur cette notion.

Visionnement du film de Straub et Huillet Trop tôt, trop tard.

• La voix, le texte, ce que fut 1789 et le dévoiement de cette révolution.
• Le lieu, place de la Bastille, aujourd'hui, dans un panoramique circulaire ininterrompu. “C'est ici”.
• Des entrées de villages bretons, les fermes dans la campagne. (la présence impressionnante — bruit/frémissement de cette campagne).
• La situation, dans tous les sens du terme, des paysans de ces villages, en 1789.
“La voix s'élève, en même temps, que ce dont nous parle la voix, s'enfouit sous la terre” (Deleuze, décidément).
Mireille a fait référence à la fiction.

Clémentine a évoqué la difficulté à proposer des films à des élèves de maternelle.
[1] Professeurs de la Ville de Paris

[2] Les passages cités par Maryvonne sont tirés de L'oeuvre d'art à l'ère de sa reproduction technique mais ne sont pas les mêmes que ceux que je vous avais communiqués.

[3] Je ne suis pas sûre de ma transcription(A.B.)