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restreinte]
Ces notes ne sont pas destinées à éviter
au lecteur la rencontre avec le texte de Bataille. Au contraire !
Je les ai écrites pour accompagner ma lecture et je
les mets en ligne en imagineant que ce travail en devenir pourra
avoir quelque utilité (!!!). Elles seront donc
périodiquement modifiées.
Avant-propos
Il s'agit d'un « ouvrage
d'économie
politique » même
si l'angle de vue choisi n'envisage pas les faits « à la
manière des économistes
qualifiés ».
D'où l'embarras de Bataille lorsqu'il était
questionné sur ce projet-là.
Cet angle de vue, c'est celui d'une « économie
générale »
« …une “ économie générale”
ou la dépense (la “consumation”)
des richesses est, par rapport à la production, l'objet premier. »
Comment comprendre ce que Bataille va entendre par économie
générale ?
C'est un « mouvement » qu'il
va étudier,
et il précise : « celui
de l'énergie
excédante, traduit dans l'effervescence de la vie ».
Selon Bataille, ce problème est premier pour les disciplines
qui envisagent « le mouvement de l'énergie
sur la terre » (comme la physique du globe, l'histoire,
la biologie…) mais pas seulement : l'art, la littérature,
la poésie sont également concernés.
La part maudite est un essai qui va aborder
cette question « en
dehors des disciplines particulières ».
Bataille mesure le paradoxe de son entreprise :
- L'objet d'étude (la dépense
excédentaire) ne peut être distingué
du sujet qui l'étudie.
« En
effet, l'ébulltion
que j'envisage, qui anime le globe, est aussi mon ébullition.
Ainsi cet objet de ma recherche ne peut-il être distingué du
sujet lui-même, mais je dois être plus précis : du
sujet à son point d'ébullition. »
- Le travail accompli est en contradiction
avec les thèses du livre :
il tend à « accroître
la somme des ressources humaines » alors
qu'il mène à la
conclusion que « la
richesse accumulée
n'a de valeur que dans l'instant ».
Il demande autant de raison, de froideur, du calcul,
qu'il n'en dénonce les méfaits.
Bref, La part maudite est
un livre que personne n'attend et c'est peut-être tant mieux :
« … ce
mouvement violent, de brusque surprise, qui bouscule et retire à l'esprit
le repos : une sorte de renversement
hardi, la substitution d'une dynamique, en accord avec le
monde, à la stagnation des idées isolées, des problèmes
têtus d'une angoisse qui ne voulut pas voir. Comment sans
tourner le dos à l'attente aurais-je pu avoir cette extrême
liberté de
pensée qui égale les notions à la liberté de
mouvement du monde ? »
Des solutions issues de la sagesse traditionnelle côtoieront
des affirmations déroutantes. C'est donc toujours une « pensée
mise au niveau des jeux de forces contraires au calcul commun
» qui sera à l'œuvre et pourra porter
vers des solutions plus générales, selon lesquelles « ce
n'est pas la nécessité mais son contraire, “le luxe” ,
qui pose à la
matière
vivante et à l'homme leurs problèmes fondamentaux ».
La part maudite devait avoir une suite. Toutes les questions
soulevées par le problème posé n'y seront pas étudiées.
Bataille y a posé ce qui était nécessaire
pour saisir sa pensée.
Par exemple,
il remet à plus tard l'analyse de l'angoisse,
pourtant si importante, car c'est par là que l'on peut repérer
l'opposition de « deux
méthodes
politiques » :
« … celle de
la peur et de la recherche anxieuse d'une solution, mêlant à la
recherche de la liberté les impératifs
les plus opposés à la liberté ; celle de la
liberté d'esprit, qui découle des ressources globales de
la vie, pour laquelle,
dans l'instant, tout est résolu, tout est riche,
qui est à la mesure de l'univers. »
L'angoisse ne suffit pas et cependant elle est nécessaire pour
poser les « problèmes
politiques » dont la solution nécessite
« en
un point la levée de cette angoisse ».
Les « propositions
politiques » auxquelles aboutit Bataille
sont liées à une telle
« attitude lucide ».
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