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La
communication, la rencontre
Jean Oury, « Le pré-pathique et
le tailleur de pierre », Chimères, Les
enjeux du sensible, n°40, automne 2000.
Disponible sur le site de la revue
: http://www.revue-chimeres.fr
« La communication ne s’établit pas au niveau de
l’exactitude, ni de la vérité. L’efficace ce
n’est pas l’exactitude, au sens de la technocratie obsessionnelle
actuelle qui prétend rendre les choses transparentes. Mais on n’est
pas en prise directe avec la vérité. On ne peut pas vivre
dans la vérité : on vit dans le vraisemblable. Le vraisemblable
c’est le chemin qui permet d’apercevoir quelque chose de l’ordre
de la vérité, la seule chose efficace du point de vue psychothérapeutique.
Cette vérité n’est donc abordable que par le biais
du vraisemblable. Autrement dit, l’efficace n’est pas au niveau
de la teknè, mais de la phronèsis. La phronèsis ce
n’est pas simplement la sagesse. Gadamer traduit ce terme par le “savoir
pratique”. Or le savoir pratique, c’est notre domaine et c’est
par là que l’on peut accéder à ce qui est efficace,
de l’ordre de la vérité. Dans le rapport à l’autre,
il faut essayer de créer des moments rares mais essentiels de rencontre.
La rencontre c’est quelque chose qui est, comme le dit Lacan, de
l’ordre de la tukè, c’est-à-dire du
hasard, mais d’un hasard de rencontre qui va modifier quelque chose.
Cela touche le réel, fait un sillon qui ne s’effacera pas.
Une rencontre c’est aussi bien rencontrer quelqu’un, qu’une
ambiance, des entours, un texte, une idée. Si l’on veut être
efficace, on doit favoriser quelque chose de l’ordre de la rencontre.[…]
Or ce qui se joue dans le rapport à l’autre, dans la rencontre,
ce n’est justement pas au niveau du dit. »
Bérangère Thirioux, « L'empathie »,
conférence à la cité des sciences, 25 mars 2006
Cité des
sciences
« Le mot “empathie” apparaît dans la langue française
au début du XXe siècle et traduit le terme allemand “Einfühlung” forgé quelques
années plus tôt et utilisé à l'origine pour caractériser
une forme d'expérience esthétique dans laquelle le sujet se projette
en imagination dans une œuvre d'art. Cette théorie esthétique
fut notamment développée par Theodore Lipps (1903, 1905) qui étendit
ensuite l'usage du terme “Einfühlung” au domaine des relations
interpersonnelles. Par empathie, on désigne aujourd'hui la capacité que
nous avons de nous mettre à la place d'autrui afin de comprendre ce qu'il éprouve.
L'empathie, ainsi caractérisée, se distingue à la fois de
la sympathie, de la contagion émotionnelle et du phénomène
plus général de la simulation d'autrui.
L'empathie se distingue de la sympathie sur une autre dimension. Dans les deux
cas, la distinction soi/autrui est préservée. La différence
essentielle entre les deux phénomènes tient, selon Wispé*,
aux fins poursuivies. La sympathie, comme son étymologie l'indique, suppose
que nous prenions part à l'émotion éprouvée par autrui,
que nous partagions sa souffrance ou plus généralement son expérience
affective. La sympathie met en jeu des fins altruistes et suppose l'établissement d'un
lien affectif avec celui qui en est l'objet. L'empathie en revanche est un jeu
de l'imagination qui vise à la compréhension d'autrui et non à l'établissement
de liens affectifs. L'empathie peut certes nourrir la sympathie, mais cette dernière
n'est pas une conséquence nécessaire de la première. L'empathie
peut fort bien se passer de motifs altruistes. Comprendre en se mettant à la
place d'autrui le chagrin qu'il éprouve n'implique pas qu'on le partage
ou qu'on cherche à l'alléger. Le sadique peut fort bien s'en réjouir
et, en perçant par l'empathie les ressorts, chercher à l'exacerber.
Comme le souligne Wispé* :“L'objet de l'empathie est la compréhension.
L'objet de la sympathie est le bien-être de l'autre.” […]
En somme, l'empathie est un mode de connaissance ; la sympathie est un mode de
rencontre avec autrui. »
*Lauren Wispé, Altruism, sympathiy and helping, 1986
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