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La
limite, délimiter, ouvrir
Jean Oury, « Atelier sur la vie quotidienne »
http://users.belgacom.net/PI-IP/IPteksten/TIP-archief/TIP_2_pp_19_27.pdf
« J'avais écrit en 53 à Freinet, que je connaissais
par l'intermédiaire
de mon frère Fernand, qu'une classe trop traditionnelle ressemble à un
quartier d'agités. Je lui disais qu'il appliquait les mêmes méthodes
que pour les quartiers d'agités, c'est-à-dire de supprimer l'estrade
et d'instaurer des petits groupes de responsabilisation, l'imprimerie à l'école
et les conseils de classe non pas pour morceller mais pour complémentariser,
bref pour créer une structure. La structure est faite pour responsabiliser
des gens comme dans la classe de Freinet où les enfants faisaient l'imprimerie
avec des composteurs et le rouleau d'encre. Il y a des gosses qui apprennent
des lettres comme ça, aidés par les autres. À un moment
donné, c'est presque une sorte de quasi-fantasme concret qu'ils sont en
train de fabriquer à plusieurs. Cela établit structurellement des
limites là où il n'y avait rien, en opposition avec les écoles
libertaires qui ont mal finies parce qu'il n'y avait pas de structure. On voit
bien que pour avoir de la liberté, il faut que ce soit structuré.
Un schizophrène souffre d'une existence fermée. Notre travail est
de l'ouvrir, mais ça ne s'ouvre pas comme une boite de conserve. Comment
passer du fermé à l'ouvert ? En introduisant une structure. C'est
la raison pour laquelle j'ai pris l'exemple du schizophrène, du chat et
de la poterie. Il vient là, mais pas dans un lieu fermé. Il ne
vient même pas faire de la poterie, il vient voir un chat et puis tant
mieux. Si on lui disait de faire de la poterie, il se fermerait à nouveau.
Tandis que là c'est de l'ouvert qui tient ou ne tient pas. Mais il sait
que c'est à telle heure et à tel endroit, donc c'est très
structuré. C'est ça qui est travaillé d'une façon
permanente et pourquoi je dis que l'ouvert c'est quand on introduit des limites. »
Jean OURY, entretien avec Nicolas
Philibert
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=2170
Ces mots sont extraits
certainement de l’entretien entre Jean
Oury et Nicolas Philibert édité dans
le DVD du film « la moindre des
choses » (à vérifier)
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=video&no=355
« Quand un atelier marchait bien, je
me souviens qu’avec Félix on restait
sur la réserve. Parce que dès qu’il
y a mise en place d’une instance, ou d’un
atelier, ceux qui y sont ont tendance à se
regrouper, à se coller les uns aux autres
dans un système de cooptation imaginaire,
clos. Et il y a création d’un territoire.
C’est une tendance dite naturelle. Plus on
travaille bien dans un atelier, plus ça se
ferme. Ce que j’appelle “la loi” doit
intervenir pour casser ces territoires, ou du moins
pour les ouvrir.[...]
Donc, il y a ce tas de gens. L’institution, quand ça existe, c’est
un travail, une stratégie pour éviter que le tas de gens fermente,
comme un pot de confiture dont le couvercle a été mal fermé.
La mise en place d’un club, c’est un opérateur pour éviter
que ça fermente, sans se contenter de résoudre le problème
par le cloisonnement et l’homogénéité. Or le problème
est comparable quel que soit le tas de gens ; une école, une prison, une
usine, un bureau. C’est pour ça que ce qu’on a appelé la
psychothérapie institutionnelle — j’ai du mal à prononcer
ce mot — est une instance critique de la société dans sa
globalité.
Éviter la dégradation d’un tas de gens par non-vigilance, ça
demande du sérieux. Le sérieux, disait Kierkegaard, ça ne
peut pas se définir. Le sérieux, c’est le sérieux.[...]
Ce genre de travail est une façon de singulariser les gens qui sont là,
de transformer, comme disait Gabriel Tarde, la foule en public, d’avoir
affaire à l’hétérogène sans essayer de l’écraser. Ça,
c’est l’exercice de la loi. Ça ne peut venir de l’établissement,
qui ne peut produire que des règles. C’est un travail énorme
parce que la loi, comme disait Lacan, c’est le désir. C’est
ce qui structure l’ambiance, ce qui autorise une attention commune, une
sympathie, une « “attitude collective”. La mise en place concrète
se fait par une structure de partage. “Partage est notre maître”,
comme disait Pindare. Si seulement...
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