<<<<<<< •• >>>>>>>
précédent — — — suivant
Deviner,
traduire, interpréter
Michel Balat, « Peirce et la clinique »,
Protée, Volume 30, numéro 3, hiver 2002, Autour
de Peirce : poésie et clinique, p. 20. http://www.erudit.org/revue/pr/2002/v30/n3/
« La pythie de Delphes était une prêtresse d'Apollon,
qui avait comme mission, en dehors de celle de fêter Apollon, de rendre
des oracles ; la pythie de Delphes était très célèbre
dans l'Antiquité parce qu'elle avait rendu des oracles fameux (en particulier
celui sur Crésus). Elle avait son jour de consultation. Pour recevoir
un oracle, que fallait-il faire ? L'oraculant (celui qui postule à recevoir
l'oracle) était reçu dans une pièce spéciale qui
s'appelait l'Adyton, par ceux qu'on appelait les herméneutes. Ces herméneutes,
je les ai baptisés les manticiens. La mantique est l'art du devinement,
le manticien est celui qui devine. Donc, l'oraculant arrivait chez le manticien, à qui
il disait ce qu'il voulait savoir : la fonction du manticien était
alors de lui dire comment il fallait poser la question à la pythie. Le
lendemain arrivait le grand moment de la rencontre avec la pythie, assise sur
un trépied au-dessus de la faille. L'oraculant posait sa question et,
après un moment de recueillement, elle poussait des cris. Bien entendu,
l'oraculant ne comprenait rien aux cris, il lui fallait un traducteur. Il retournait
donc à l'Adyton, où le manticien traduisait ce qu'avait dit la
pythie, généralement sous la forme d'une énigme, un petit
poème, deux, trois ou quatre lignes, parfois une ligne, peut-être
selon la durée des cris de la pythie. L'interprète, ce n'est pas
le manticien mais l'oraculant, suivant la conduite à laquelle donnait
lieu la “traduction” de l'énigme. Lorsque la pythie de Delphes
lance à Crésus : “Quand un mulet sera roi des Mèdes,
ne rougis pas de fuir, ô Lydien, le long du fleuve Hermus”, Crésus
crut son royaume indestructible ! Or, Cyrus, son vainqueur, était
bel est bien un “mulet”, fils d'une jument, une princesse mède,
et d'un âne, un Perse de condition modeste. »
[retour]